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L'adaptation et le changement

Photo de Brabandere

par Luc de Brabandère

Luc de Brabandère est philosophe d'entreprise. Fellow du Boston Consulting Group, il a co-fondé Cartoonbase, une agence de communication où les artistes et les consultants travaillent ensemble. Depuis son premier livre Les Infoducs, paru en 1985, Luc de Brabandere a développéune approche philosophique du management et des technologies. Il collabore régulièrement avec de grandes entreprises ou organisations, pour assister les conseils d'administration ou les équipes de direction et clarifier leur vision, leur mission ou leurs attentes. Il est l'auteur de 18 autres parutions.

Contenu :

Commençons par un constat. On peut changer les choses, et on peut changer la manière de voir les choses. Ce sont deux changements bien différents. L’un est possible sans l’autre, l’autre est possible sans l’un.

  • Remplacer les voitures à essence par des voitures électriques peut se faire sans changer en rien les idées que l’on a à propos du trafic automobile, de la mobilité ou de la sécurité routière.
  • Le choc créé par Copernic en montrant que la Terre n’était pas au centre de l’univers, n’a par contre pas eu la moindre conséquence sur les planètes qui tournent exactement comme avant.

Appelons le premier "changement de la réalité". Il est progressif et prend du temps. Appelons le deuxième "changement de la perception". Il est discontinu et, quand il se produit, dure un instant. L’un est possible sans l’autre, l’autre est possible sans l’un, mais si le deuxième ne se produit pas, le premier est souvent décevant.

Quelqu’un toujours en retard ne devient quelqu’un de ponctuel que s’il change sa réalité - un meilleur réveil-matin, moins de réunions… - ET ce qu’il pense de la ponctualité. Autrement dit si, en plus d’être à l’heure, il ne voit pas tous les avantages d’être à l’heure, très vite il redeviendra quelqu’un en retard.

Le vrai changement est donc nécessairement double. Un homme politique qui a subi une grosse défaite, ne peut revenir au devant de l’actualité qu’après un double travail. Il doit "traverser le désert" et "faire son deuil". La première métaphore qualifie la période où le politicien se retire, ce temps peut être long et permet d’analyser les raisons de l’échec et de modifier certaines choses en conséquence. La deuxième métaphore qualifie l’instant où tout à coup un nouvel avenir apparaît possible, l’échec est toujours là mais il n’est subitement plus un handicap pour penser au futur.

Les thérapeutes systémistes de Palo-Alto ont analysé les différences et les liens entre changement de réalité et changement de perception, qualifiés respectivement de type 1 et type 2.

Le changement de type 1 se produit à l’intérieur d’un système qui, en tant que tel, reste le même. S’il en modifie les éléments, il en respecte néanmoins les règles. Des mécanismes de rétroaction protègent le système, le renforcent même et le ramènent à l’équilibre. Ce qui se traduit par le célèbre " Plus cela change, plus c'est la même chose ! " Ce type de paradoxe est très fréquent, à l’image de l’humoriste qui disait "J’ai pardonné à mes ennemis, mais j’ai quand même gardé la liste…"

Le changement de type 2 par contre en arrive à changer les règles de transformation du système. Il passe nécessairement par une illumination soudaine et par une nouvelle représentation de la réalité. S’il apparaît parfois “illogique”, c’est qu’il est observé à la lumière d’un changement de type 1.

C’est là que se trouvent les clés de l’"adaptation" qui est le thème du colloque