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Longévité et vieillissement, faut-il s'inquiéter du recul de la mort ?

 

Photo Loriaux M

par Claude-Michel Loriaux

Claude-Michel Loriaux est socio-démographe à l'UCL

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Depuis que la révolution démographique s’est installée dans les pays occidentaux au 19ème siècle, des progrès remarquables ont été accomplis dans la lutte contre la mort.

Ils ont d’abord bénéficié en priorité aux enfants grâce au recul de la mortalité infantile et juvénile qui a permis aux couples de réduire la taille de leur descendance nécessaire au remplacement des génération (baisse de la natalité). Plus tard, ce sont les adultes qui ont pu bénéficier des progrès dans la lutte contre les maladies infectieuses et les épidémies. Mais c’est dans les dernières décennies du 20ème que les gains de longévité ont profité en priorité pour la première fois aux personnes âgées. Au total ce ne sont pas moins d’une trentaine d’années d’espérance de vie qui ont été gagnées au cours du 20ème siècle, s’ajoutant au doublement intervenu un siècle plus tôt (passage de l’espérance de vie de 25 à 50 ans vers 1900).

Ce bouleversement des conditions de survie n’a pas été sans conséquence sur les structures par âge des populations qui ont connu un vieillissement accentué avec une proportion de jeunes en diminution rapide et une proportion de vieux en accroissement. C’est ainsi que s’est installé le vieillissement démographique considéré par beaucoup d’observateurs de la seconde moitié du 20ème siècle comme un danger, voire une catastrophe sociétale. Les raisons évoquées sont les coûts supplémentaires dus à l’accroissement de la dépendance, à la charge accrue des retraités et à l’augmentation des dépenses de santé, mais aussi la perte de dynamisme économique et la progression du conservatisme politique.

Face à cette vision alarmiste, un autre paradigme (celui de la « révolution grise ») s’est développé considérant le vieillissement comme un immense progrès à la fois individuel et collectif, avec pour principe d’adapter nos sociétés à leurs populations, plutôt que l’inverse. Cependant les progressions continues de l’espérance de vie et les perspectives ouvertes par le courant transhumaniste qui mise sur les avancées des technologies informatiques et biologiques (les NBIC) pour accroître les capacités cognitives de l’homme et booster ses espoirs de longévité suscitent des inquiétudes, sans doute en partie légitimes. L’immortalité n’est pas encore à l’ordre du jour, même si certains prophètes nous annoncent déjà « la mort de la mort », mais des progressions de longévité bien au-delà des meilleurs scores individuels enregistrés jusqu’à présent (cfr le cas de Jeanne Calment) ne sont pas à exclure avec des espérances de vie qui dépasseront largement le siècle, peut-être même 120, 150 ans ou plus. Dans cette hypothèse, les sociétés vieillissantes verraient leurs structures et leurs modes de fonctionnement totalement bouleversés.

Assistera-t-on alors impuissants à leur extinction programmée (et donc aussi à celle de l’espèce humaine) ou à l’émergence d’une ère nouvelle où l’âge ne sera plus un critère de marginalisation et d’exclusion et où les générations pourront cohabiter harmonieusement ?